Notes de lecture ...
Intellectual and economics relations between Byzantium and Italia before and after 1453
1. Les colonies occidentales à Constantinople ante 1453
2. L'héritage intellectuel de Byzance post 1453
Louis Bréhier Membre de l’Institut
Le monde byzantin :
La civilisation byzantine
(1950)
Collection l’Évolution de l’Humanité
Éditions Albin Michel, 1940 et 1970, Paris
Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole,
professeur retraité de l’enseignement de l’Université de Paris XI-Orsay
Courriel:
jmsimonet@wanadoo.fr
Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
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Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
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1. Les colonies occidentales à Constantinople ante 1453
En 1453 les colonies les plus puissantes sont toujours celles de Gênes et de Venise, qui ont organisé chacune un véritable État, avec son podestat, ses conseils, ses magasins, la première à Galata, l’autre en face, sur la Corne d’Or . Ces colonies dépendent étroitement de leurs métropoles : les conflits sont fréquents entre elles et le gouvernement impérial et se terminent toujours à leur avantage. Gênes recherche l’alliance des Turcs, mais tient à maintenir le régime byzantin, qui est pour elle si avantageux. Venise, au contraire, tout en ménageant les Turcs, craint beaucoup que la chute de Byzance ne lui enlève ses positions en Orient ; mais au lieu de sauver l’Empire, elle continue à le dépecer et à tuer son commerce, qui n’est plus représenté qu’en Morée. Venise, déjà maîtresse de Thessalonique, convoite même le dernier asile de l’hellénisme, dont le principal port, Monemvasia, arme surtout pour la course.
A côté des Génois et des Vénitiens, les Paléologues avaient accueilli les marchands des autres pays d’Occident, mais leur avaient donné des privilèges moins avantageux. L’importation des produits de leurs pays respectifs laissait encore quelques bénéfices aux douanes impériales. On voyait sur les marchés des draps de Flandre, de Reims, de Florence et autres produits français.
Ce fut ainsi que le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, fit vendre à Rhodes et sur d’autres marchés 110 pièces de drap de Wervicq, embarquées sur un navire qui allait secourir les chevaliers de Rhodes (1441). De 1444 à 1451 il entretint un grand navire à Constantinople .
En échange les Occidentaux achetaient des produits du Levant et de la Grèce byzantine, notamment le vin de Malvoisie (Monemvasia), très apprécié en Occident .
La plus ancienne de ces colonies était celle d’Ancône, qui datait de l’époque où Manuel Comnène avait occupé cette ville (1151-1168). Très prospère au xive siècle, cette colonie était gouvernée par un consul, nommé par la métropole. Andronic lui avait accordé la taxe de 2 % à l’entrée et à la sortie des marchandises .
La république de Raguse, qui avait conquis son indépendance sur Byzance, Venise et la Hongrie, se rapprocha des Paléologues contre le danger turc (2 quart du xve siècle). Manuel II vit dans ce rapprochement une alliée utile contre la guerre économique que Venise faisait à la Morée, mais ce fut seulement en 1431 que Constantin Dragasès, alors despote de Morée, accorda des privilèges à Raguse et, en 1451, un quartier à Constantinople .
Une puissante colonie de Catalans s’installa à Constantinople sous Andronic II. En 1290 le consul Dalmaccio était venu solliciter cette admission au nom des habitants de l’Aragon, de la Catalogne et de Majorque, des bourgeois de Barcelone, Valence et Tortose. Le basileus leur donna le droit de circuler dans l’Empire et leur accorda la taxe de 3 % (1290) , mais ces nouveaux hôtes ne tardèrent pas à se montrer indésirables, associant la piraterie au commerce et se battant sans cesse avec les Génois. Un deuxième privilège leur fut accordé par Andronic II (octobre 1320), qui n’améliora pas la situation. Après la paix imposée par Gênes à Jean Cantacuzène (mai 1352), tous les ports de l’Empire furent fermés aux Catalans, mais une partie de la colonie resta à Constantinople .
En 1438 cette colonie est reconstituée. Jean VIII agrée, comme consul des Catalans, Pere de Rocafort, auparavant consul dans la colonie vénitienne de Modon. Une loge devait être construite à Constantinople, mais elle ne l’était pas en 1449, à cause d’un conflit entre le Conseil de Barcelone, qui révoqua Rocafort, et Alphonse V d’Aragon, qui le soutenait. Cette affaire ne fut terminée qu’en 1451 et le nouveau consul, Joan de la Via, resta en fonction jusqu’en 1453 .
Les ports de Provence, Marseille, Montpellier, Narbonne, faisaient un commerce actif avec Constantinople au xive siècle et y importaient des produits indigènes.
Les risques étaient gros, à cause des corsaires vénitiens et catalans. La cargaison d’un seul navire de Montpellier, capturé ainsi en 1355, valait 1 000 écus d’or. Parmi les importations en Orient on signale l’alun, les peaux, la cire, le blé .
Des privilèges furent accordés aux villes provençales par Andronic III : quartier à Constantinople, consul, taxe de 4 % . Ceux de Narbonne furent renouvelés par Jean V en 1346 . Ce commerce fut moins actif au xve siècle : cependant il y avait un navire provençal à Constantinople pendant le siège .
Florence, devenue une ville industrielle au xiiie siècle, commença à exporter ses produits et il s’y fonda de grandes compagnies commerciales, en même temps banques de crédit : les Peruzzi en 1274, ruinés en 1343, le principal débiteur, Édouard III, ayant répudié ses dettes ; les Bardi, devenus la compagnie la plus puissante, qui avaient 346 agents, comptables, caissiers, notaires. Ces compagnies étaient en nom collectif et servaient des intérêts variant de 5 à 20 % à leurs déposants .
D’autre part, la prise de Pise par les Florentins en 1406 eut pour résultat l’anéantissement de la colonie pisane de Constantinople . Florence exportait ses étoffes par l’intermédiaire de Venise, en attendant l’aménagement d’un nouveau port à Livourne, mais son ambition était d’avoir un quartier à Constantinople . Les négociations commencèrent en 1430 et furent laborieuses. Ce fut seulement après le concile de Florence que Jean VIII, à qui la république avait avancé 100 000 écus pour ses frais de voyage, lui concéda l’ancien quartier des Pisans .
Ainsi, loin de diminuer, le nombre des colonies occidentales de Constantinople n’avait pas cessé d’augmenter. Les dernières concessions ont été accordées à la veille même du siège de 1453 et plusieurs ne purent être suivies d’effet. L’expropriation de Byzance par les marchands d’Occident était totale et ne réussit même pas à la sauver de la conquête turque.
2. L'héritage intellectuel de Byzance après 1453
c’est après 1453 que Byzance a vraiment mis l’Occident en possession de son héritage intellectuel. Pendant la dernière moitié du xve siècle et le premier tiers du xvie, l’hellénisme fit littéralement la conquête de l’Europe. Fuyant la domination turque, les derniers lettrés de Byzance apportaient avec eux leurs trésors de nouveaux manuscrits et leur érudition. Jusque-là le grec n’était encore enseigné que dans quelques villes d’Italie. Il n’y eut pas désormais un seul pays qui ne voulût posséder une chaire de grec. Les fondations se présentaient sous des aspects variés qui rappelaient la liberté des fondations byzantines et contrastaient avec la rigidité des règlements universitaires.
Ce furent surtout des réfugiés qui donnèrent les premiers cet enseignement et formèrent les plus célèbres représentants de l’humanisme occidental, un Reuchlin, un Erasme, un Guillaume Budé, auditeurs d’Hermonyme de Sparte à Paris en 1478. Reuchlin suivit aussi les cours de Jean Argyropoulos, le plus éminent des derniers professeurs de l’Université Impériale, réfugié en France en 1456 et pourvu d’une chaire à Rome.
Mais le centre de cette propagande hellénique était le palais du cardinal Bessarion à Rome. Véritable providence de ses compatriotes sans ressources, il les tirait de la misère et les recommandait aux princes et aux évêques. Il présidait l’Académie fondée par Nicolas V, où Théodore de Gaza, Georges de Trébizonde rencontraient le Pogge et Laurent Valla et où s’échangeaient parfois des propos d’une singulière hardiesse. Le legs de la riche bibliothèque du cardinal à la Seigneurie de Venise en 1467 fut le dernier service que cet illustre représentant de Byzance rendit à la cause de l’humanisme.
Après la mort de Bessarion en 1472, le mouvement ne se ralentit pas et ce fut la première génération des hellénistes occidentaux qui en prit la direction. En 1515, sur les conseils d’Erasme, le pape Léon X fondait à Rome un gymnase hellénique. En 1519, le grec était enseigné à Cambridge, à Oxford, dans les Pays-Bas, où un mécène créait à Louvain le Collège des Trois Langues (latin, grec, hébreu), en France, où le roi François Ier appelait l’un des derniers Grecs réfugiés, Jean-André Lascaris, et dressait avec lui les plans d’un Musaeon (en souvenir de l’Université byzantine), qui allait dans la suite devenir le Collège de France. Le même prince réunit à Fontainebleau une bibliothèque qui comptait en 1542 un fonds de 546 manuscrits grecs.
Mais depuis longtemps l’imprimerie augmentait la diffusion des auteurs grecs et les préservait d’un nouveau naufrage. Des Grecs réfugiés furent les premiers correcteurs des textes grecs imprimés, d’abord à Rome, puis à Milan, où Jean Lascaris imprima sa Grammaire Grecque (1476-1480) et où l’historien Chalkokondylès publia en 1488 la première édition des Poèmes d’Homère. Il eut pour auxiliaire et disciple Alde Manuce l’Ancien, qui alla fonder sa célèbre imprimerie à Venise, mais ne put l’exploiter qu’à partir de 1515. En France les éditions grecques étaient la spécialité de l’Imprimerie Royale, fondée par François Ier en 1539 et dirigée par Robert Estienne.
Si l’on veut bien réfléchir à la portée de ce vaste mouvement de pensée qui a changé la face du monde, on sera obligé d’avouer qu’il est lié étroitement à l’œuvre intellectuelle de Byzance et que l’érudition occidentale vit depuis le xve siècle sur les travaux des philologues byzantins. On peut dire que dans la chaîne continue qui relie les penseurs des temps modernes à ceux de la Grèce ancienne, il y aurait un singulier hiatus si Byzance n’avait sauvé de la destruction les trésors de la civilisation antique et lutté pendant mille ans pour les conserver à l’humanité.
Post scriptum in aparte
Mamelouks and Ottomans 1453-1517
http://www.lesclesdumoyenorient.com/151 ... louks.html